Pour recruter les entreprises se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux. Et la vidéo est aujourd’hui le format le plus engageant pour augmenter leur visibilité. De plus en plus d’entreprises l’intègrent, avec ses avantages et ses limites, dans leurs stratégies RH et leurs processus de recrutements. Et ce n’est pas que l’apanage des grands groupes.
« Nous n’utilisons pas la vidéo pour recruter, mais pour faire découvrir notre entreprise et promouvoir les métiers de la tôlerie fine et de la chaudronnerie industrielle », précise d’emblée Philippe Chambrin, dirigeant de Toliroise, à Brest. Ce sous-traitant industriel (50 salariés avec ATPS à Lannion, 7 M€ de CA) est positionné sur un secteur en tension, côté emploi. « Nos métiers ont du mal à se vendre. Et localement, on se retrouve en concurrence avec des entreprises de notre taille, mais aussi de grands groupes qui viennent chercher dans les PME des salariés déjà formés. La vidéo permet de se démarquer. » Depuis deux ans, Toliroise a sorti neuf vidéos : trois de présentations de ses deux structures et six interviews de salariés. Une 10è est prévue sous peu. « Notre objectif, c’est d’être authentiques. De montrer notre entreprise familiale, comme elle est, comment on y vit. Il faut être fier de ce qu’on est, de ce qu’on fabrique et de qui nous sommes. C’est la clé », appuie le dirigeant.
Pour les entreprises et les candidats
Un avis partagé par Frank Mosser, à la tête de l’éditeur de progiciels MGdis, à Vannes. « Présenter la société et les postes à pourvoir en vidéo, c’est faire un pas de côté dans la façon d’attirer des candidats. On sort de notre zone de confort. » La société est allée encore un peu plus loin dans la démarche en s’appuyant sur Talents tube, une start-up de Vannes qui déploie une plateforme de recrutement 100% vidéo. Le principe ? Le candidat aussi doit postuler en vidéo. « On voit ce média comme un moyen supplémentaire de capter la personnalité du candidat. Cela a pu en décourager certains. Mais faire cet effort est aussi révélateur de la motivation. »
Bousculer les pratiques
Et ce n’est pas Alexandra Levesque, la DRH de MGdis, recrutée l’an dernier de cette manière, qui le contredira. « Pour moi, c’était une première. Cela a bousculé mes pratiques, mais c’était cohérent avec l’idée que j’avais pu me faire de l’entreprise et du poste, au-delà de l’annonce “classique“. Clairement, les vidéos m’ont donné envie de postuler. Je me suis donc lancée dans l’exercice, qui au final s’est révélé plutôt rigolo », avoue la DRH, qui y a consacré une après-midi. Pour Franck Delalande, le dirigeant de Talents tube. « La vidéo est un moyen de repenser, dans un monde qui change, l’approche du recrutement. Et de casser les clichés. Même si les arguments vont dans ce sens, cela reste encore une niche, les entreprises dotées ou non de service RH sont encore tournées vers des process plus traditionnels. »
Des contenus qualitatifs
Chez Mgdis comme chez Toliroise, le tournage des vidéos mettant en avant les salariés a été vu comme un moment de cohésion au sein des équipes. « Au-delà de la promotion de nos métiers, nous n’avions pas imaginé tout ce que cela allait nous permettre de faire. Les candidats nous en parlent, mais aussi nos clients et nos fournisseurs. Et cela tient à la qualité des contenus », explique Philippe Chambrin. La PME industrielle s’appuie sur Tydéo, une agence production audiovisuelle spécialisée dans la création de vidéos pour les entreprises basée à Saint-Renan, près de Brest. « On a fait appel à un prestataire pour faire quelque chose de professionnel. C’était important. Les vidéos nous rendent sympathiques. Et c’est aussi parce qu’elles sont bien faites. » Phillipe Chambrin n’y a pas investi un budget démesuré, qu’il évalue entre 5 000 et 7 000 € pour l’ensemble des vidéos réalisées. « Ce n’est pas si chronophage : 3 h de tournage, avec les interviews spontanées, pour 3 min de vidéo. »
Lever les biais de discrimination
Jusqu’ici Frank Mosser a utilisé, au sein de MGdis, ce procédé de recrutement en vidéo pour certains postes particuliers comme urbaniste des systèmes ou chef de projet. « On pourrait le systématiser davantage, mais cela a un certain coût, et prend du temps. A mon sens, nos vidéos liées à la marque employeur sont suffisantes pour des profils moins spécifiques.» Chez MGdis, on voit aussi quelques limites à la démarche. « La vidéo et son contenu ne font pas tout, et heureusement. Comme lorsque l’on lit un CV, on doit faire abstraction de certaines données, de certaines informations quand on regarde la vidéo d’un candidat. On doit avoir cette même distance pour lever les biais de discrimination », explique Alexandra Levesque, attachée évidemment à respecter ces bonnes pratiques et le code du travail. Pour l’entreprise comme pour le candidat, la vidéo est un moyen supplémentaire de se présenter. « Mais rien ne vaut ensuite une rencontre pour voir si ça matche entre les deux !».
© Maureen LE MAO – Agence API Ouest-France